L'almanachronique du 28 décembre

Publié le par blancafort

Hello les blogos ! Cantabo in aeternum la blogose !

Souvenez-vous. Nous sommes le 28 décembre 1895. Dans les rues de Paris, les femmes vont le buste haut pourtant cadenassé sous d'improblabes bustiers voraces, claquant le pavé d'un talon conquérant. En Allemagne, William Conrad Röntgen né en Rhénanie par manque de moyens met en évidence un rayonnement invisible de nature inconnue, les rayons X, qu'il appelle ainsi en hommage à ses parents inconnus. Alors que les juifs fourrent tout, et pas seulement leur nez, l'affaire Dreyfus bat son plein. Nicolas II est empereur de Russie, Rodin pense et Poincaré devient enfin connu pour le plus grand plaisir des amateurs de jeux de mots foireux.
Au Grand Café de Paris, souvenez-vous grands dieux, les nombreux clients à l'invitation des frangins allumés patientent en fumant de larges pipes. La fée verte coule à flot.
Ce 28 décembre 1895, c'est en effet la naissance officielle du cinéma. Première séance. Dix films sont au programme, parmi lesquels L'Arroseur arrosé et La sortie de l'usine Lumière à Lyon. Emerveillement et peur. Souvenez-vous.
Souvenons-nous et résumons.
Le Vieux Port est en effervescence. -" Vé la pitchoune, vé !" s'exclame Escartefigue en montrant du doigt une cagôle chaudasse sur le pitalugue à Rose Bud, sa femme de chambre. Tout à coté, le Potemkine rentre à quai. La foule se presse. Elle exulte. Le cabaret "L'Ange bleu" se prépare à accueillir les marins éreintés. Tous sont avides de jouir d'un repos bien mérité. Simbad le marin marri, les trois frères Barbe, Noire, Bleue et Rouge, le vieil homme et l'amer Bounty sont là. Ils saluent la cohue.
Marius, le cafetier, s'en donne à coeur joie. Sa terrasse grouille. " Et une verveine pour Dracula, un p'tit noir pour Dupont Lajoie, un whisky pour Marlowe ! Ca marche putaingue congue ! Vouaille ! Les spaguettis pour la belle et la bête, table neuf ! Oh docteur ! Mabuse ! Alors, à moi, il me fend le coeur et à toi, il ne te fait rien ? Vouaille ! J'arrive ! Dites-lui Monsieûr Brun, moi j'abandonne !..."
Mama Roma, la tenancière "Chez Lola", met un point d'honneur à mobiliser ses troupes. " Bon alors les petites, va falloir mettre un grand coup ! C'est le grand jour ! Cléo ! De cinq à sept c'est vingt sous la passe ! Combien de fois dois-je le répéter ?! Eve, Orphée et Lola Montès ! Caroline ma chérie, Hiro Shima mon amour ! C'est quoi cette tenue ! Vous croyez qu'vous allez les enchaîner les clients avec vos bures ! Hein ? Un peu d'érotisme que diable ! On vend pas des parapluies à Cherbourg mes enfants ! Merde ! Quoi ? Ecoute Gertrud, c'est huit et demi la pipe ! Huit et demi !"
A l'hôtel du Nord et à l'auberge Rouge, c'est le branle-bas de combat. Mme Raymonde et M. Edmond sont sens dessus dessous. C'est jour de fête ! " Raymonde ! Raymonde ! Le chien andalou a encore pissé dans la chambre verte ! Sept ans de malheur ! Quoi ? Les dames du bois de Boulogne ? Comme toujours, dans la chambre des officiers ! Quoi leurs enfants ?! Z'ont qu'à aller au paradis ! J'm'en fous ! Loulou ! Viens ici ! Viens ici ! Qui va s'occuper du guépard de Monsieur Klein ? Moi peut-être ?!! Le chagrin et la pitié que tu m'inspires ma petite ! Mon Dieu ! Ouiiiiiiii ! Qu'est-ce-qu'il y a Oscar ? Hein ? Mais bien entendu bougre d'imbécile ! C'est la grande bouffe ! Aux fourneaux ! Que la force soit avec toi ! Au boulot !..."
On s'croirait sur Manhattan ! Cris et chuchotements vont bon train ! Le maire improvise un discours qu'il voudrait retentissant.
" Chers amis ! Accueillons ces valeureux marins du Potemkine ! Bienvenue à vous tous ! Bienvenue mes chers compatrio...quoi ? Quoi ?! Putain j't'ai déjà dit de ne pas m'interrompre quand j'cause ! Mais c'est pas vrai ! Dites-moi qu'j'rêve ! Je vais m'la faire cette Emmanuelle de malheur ! Aux quatre coins de Marseille qu'on va la retrouver, éparpiller par petits bouts, façon puzzle ! Moi, quand on m'en fait trop, je ne correctionne plus, je dynamite, je disperse, je ventile !"
Bref. Ce fut une journée particulière. Une journée historique.
Ce fameux 28 décembre...

Publié dans Chroniques

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