L'almanachronique du 4 mars.

Publié le par blancafort

Derniers jours tranquilles à Gaujan.
La pluie a sonné contre le vélux et les tuiles toute la nuit. Elle a teinté d'un noir brillant le bitume des rues et gonflé les maigres ruisseaux qui dormaient paisiblement depuis des mois. Des rafales plongent sur les premières orties. Le cognassier est agité de toute part, sa tête se balance comme un fétu de paille. Une quiétude infinie plane sur le pré vert où germent les pissenlits.
Gaujan se réveille rincé, épuisé. Demain, les élections.
Comme tous les villages du Gers, perdus et coincés entre les coteaux qui sommeillent, celui-ci s'apprête à la ferveur électorale des municipales. La seule liste a été durement constituée. Il a fallu remplacé les morts et ceux qui sont au seuil de le devenir. Quelques "estrangers" ont été approchés. L'anglais de l'ancienne école, le hollandais qui retape la ferme de ce vieux Raymond, mort pour la patrie vinicole, et l'allemande de la placette de l'église qui taille ses haies en forme de trèfles à quatre feuilles. " Faut faire avec !" comme dit ma voisine. Pour sûr ! " Ces estrangers, y sont là ! Y sont là ! Faut bien en faire quelque chose millo diù ! " Et pourquoi pas les entraîner dans la vie folichonne de la municipalité qui n'attend plus que ça pour renaître à nouveau. Les jeunes sont partis, ou pire, s'en foutent. Les quelques quarantenaires venus des villes, il y de ça quinze ans, s'intéressent du bout des doigts à la vie locale. Un ou deux s'en viennent mêler leur verdeur aux moustaches jaunies des paysans, plus tendres que bourrus.
" Vivement dimanche !" en remet une couche la voisine qui s'inquiète d'un genou qui flageole. " Ya longtemps qu'j'ai pas vu le Robert !" Cela sert à ça aussi les élections. Comme pour les enterrements, cela permet de se retrouver, de reprendre contact, de demander les dernières nouvelles du petit.
La Jeanne peste. " Millo diù de millo diù ! V'là mes torchons qui va m'falloir relaver !" Ben oui, la pluie mouille la Jeanne ! " Ben je le sais bien millo diù ! Mais qu'il est con celui-là alors ! " Pour elle, les élections, c'est du pareil au même ! " Bouh ! Yaura toujours ce maire de tout façon ! Celui-là je l'ai connu tout pétiote ! C'était déjà un carnus ! Son père était un carnus et son grand-père millo diù, c'était le plus grand des carnus des carnus de la région ! "
Vivement dimanche !

Publié dans Chroniques

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