L'almanachronique du 26 novembre

Publié le par blancafort

Hello les blogos ! Keuf Brôô Beurkkk la blogose !

Souvenez-vous mes petits ! Nous étions en 1966, un 26 novembre. La veille, le petit Paul n'avait cessé de combattre ses plus fidèles cauchemars, tentant désespérément de fermer les yeux, pour ne point voir, par la glace, grimacer les ombres du soir, ces monstruosités hargneuses, populace de démons noirs et de loups noirs. Au petit matin pourtant, Paul était heureux et excité. Sa mère le lui avait promis. Ils iraient tous les deux, avant midi, à l'inauguration de la première usine marémotrice par le grand Charles de Gaulle, le démiurge au grand naze, comme l'appelait la voisine de palier. Il y avait déjà beaucoup de monde sur la plage, à l'embouchure du fleuve côtier de la Rance. Le large fleuve se trouvait entre la pointe de la Brebis et la pointe de la Briantais, au sud de Dinard et de Saint-Malo.

Pourtant, le premier chantier d'usine marémotrice, qui utilise les marées pour produire de l'électricité, avait commencé à l'Aber-Wach' dans le Finistère, en 1925. Il avait été abandonné faute de financement. Le tout nouveau projet, désormais à la Rance, avait suscité un espoir technologique intense. Nous étions en plein choix historique. Il fallait choisir son énergie. La France, en plein essor industriel à cette époque, avait déjà délaissé le projet de Félix Trombe qui, en 1949, avait installé son four solaire à Mont-Louis dans les Pyrénées-Orientales. Exit le solaire, bonjour la marée, en quelque sorte ! Ainsi, l'espérance était à nouveau dans les starting-blocks. La France allait montrer à la face du monde de quel bois elle allait se chauffer !

Paul s'impatientait. Il faisait froid en ce 26 novembre 1966. Ses petits pieds gelés lui faisaient un mal de chien. Pourtant, il écoutait religieusement la voix ferme de l'orateur, dans un silence glacial. Gérard Boisnoer, le génial concepteur de l'usine, exhortait la foule, parlant lyriquement des marées et du renouveau de cette énergie audacieuse et gratuite. De Gaulle, au loin, semblait une statue de marbre. Dès la fin des discours qui s'enchaînaient inlassablement, la chorale des Bretons de l'Ankou entonna un chant enjoué, et probablement chiant pour qui sait différencier la plainte de la moule moisie d'un aria de Bach.

Après le vibrant hommage du "vieux", le démiurge au grand naze, Paul et sa mère repartirent en leur modeste demeure. Sur le chemin du retour, la mère pensa à ces moulins à marée qui déjà existaient au Moyen-Âge sur la Rance. " Juste retour des choses !" médita-t-elle. Paul était comblé. La mer, qu'il aimait par dessus tout, était désormais un flux d'énergie. Il la regarderait d'un autre oeil. Qu'elle était belle ! Et généreuse !

Depuis ? La France, ayant renoncé à l'énergie solaire, enterra également le projet des usines marémotrices. Elle préféra l'énergie nucléaire. Plus rayonnante et éclatante !

Etonnant non ?

Publié dans Chroniques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article