L'almanachronique du 13 décembre
Hello les blogos ! Tic Tac Tic Tac la blogose !
Nulle femme, aussi loin qu'elle remonte dans la mémoire de la famille restée en ville, ou éparpillée aux quatre coins des cimetières, et nulle, dans les alentours, n'avait subi comme elle la trahison de son visage. Noémie était vieille, et plus encore, hideuse. D'une laideur congestionnée par trop de mauvais vins, glaireuse à souhait, et dont la vue offrait à tout moment la longue et inaltérable déficience d'une vie organique sujette à la putréfaction.
Elle n'avait connu de la vie que des fruits amers. Un mari demeuré, qui cumulait un bon nombre de pléonasmes plébéiens nauséabonds : commerçant, footballeur, fasciste et radin, heureusement décédé grâce à la dernière guerre; deux fils, qui reproduisaient jusqu'à la nausée le moule sociétal schématique d'une destinée à la con : travail, famille, patrie; et un chat cafardeux, aussi répugnant que con ! Ses deux grossesses lui avaient liquéfié le ventre comme une vieille moule échouée. Après, quand, avec leur croissance aléatoire, elle avait compris qu'aucune joie ne viendrait élargir son horizon déjà fortement merdique, elle avait vainement espéré la grâce d'une existence atone, entre le tic-tac d'une horloge massive et les miaulements catthareux de son greffier ombrageux.
Noémie s'emmerdait in extenso, intégralement, radicalement. Après toutes ces années infécondes, elle avait enfin conçu l'idée ultime que la vie ne lui apporterait que déboires et amertume. Une victoire morale en quelque sorte !
Ce matin, le soleil d'hiver débordait de mélancolie sinistre. Le froid était humide. Noémie, habillée d'un long manteau gris, s'en allait au marché comme on va à l'abattoir. Elle ne suscitait en effet, chez ses piètres congénères, que railleries et quolibets, une méchanceté quasi éternelle, en tout cas, incisive. Elle ne s'était jamais tout à fait habituée à cela, préférant souvent, même, les violentes diarrhées du chat cacochyme, qui lui faisait office de seul ami, aux débordements hypocrites des lumières de Noël qui illuminent que trop la pâle inconsistance de la connerie humaine en période de fête.
Elle alla directement vers le petit camion de la charcutière, qu'on avait excentré de la place du village pour ne pas faire de l'ombre à la boucherie du boucher bouché, pour ne pas dire borné, et plus encore. Elle aimait plus que tout le fromage de tête de veau à l'ancienne que préparait la douce "cochonnaillère". C'était, pour ainsi dire, son seul plaisir. Le fromage de tête de veau, pas l'immonde truie qui charcutait !
Elle attendit patiemment son tour, non sans avoir maugréée connement, comme tout le monde.
- Oui bonjour, c'est ça ! rétorqua-t-elle au bonjour de la truie effrontée ! Donnez-moi plutôt de vôtre fromage de tête de veau !
- Je suis désolée Ma'me Noémie ! Mais ya plus de fromage de tête ! J'vous sers du boudin à la place ?
Le monde s'écroula sous les pieds poites de Noémie. Plus de fromage de tête de veau ! Et dire que l'autre conne lui proposait en substitution du boudin ! Du boudin ! " En plus d'être moche, pensa fortement Noémie, elle est conne ! On dirait mon chat ! "
Elle s'en retourna, piteuse, chez elle, plus sombre qu'elle ne l'était avant de partir. Serait-ce enfin le jour ? Ce jour, qu'elle attendait depuis toujours ?
Elle ouvrit lentement le tiroir du buffet de la cuisine.
Il était là. Noir et toujours lustré.
Elle le prit entre ses doigts gourds.
Un petit déclic. Juste un. Pour en finir.
Enfin.
Le chat s'étira. Longuement. Il regarda autour de lui. Silence glacial. Un liquide chaud lui coulait sur sa tête, puis sur la patte. Il renifla, puis le lapa.
Le sang était bon.
Mais autour de lui, tout était froid.
Il était temps de partir.
Enfin...
Nulle femme, aussi loin qu'elle remonte dans la mémoire de la famille restée en ville, ou éparpillée aux quatre coins des cimetières, et nulle, dans les alentours, n'avait subi comme elle la trahison de son visage. Noémie était vieille, et plus encore, hideuse. D'une laideur congestionnée par trop de mauvais vins, glaireuse à souhait, et dont la vue offrait à tout moment la longue et inaltérable déficience d'une vie organique sujette à la putréfaction.
Elle n'avait connu de la vie que des fruits amers. Un mari demeuré, qui cumulait un bon nombre de pléonasmes plébéiens nauséabonds : commerçant, footballeur, fasciste et radin, heureusement décédé grâce à la dernière guerre; deux fils, qui reproduisaient jusqu'à la nausée le moule sociétal schématique d'une destinée à la con : travail, famille, patrie; et un chat cafardeux, aussi répugnant que con ! Ses deux grossesses lui avaient liquéfié le ventre comme une vieille moule échouée. Après, quand, avec leur croissance aléatoire, elle avait compris qu'aucune joie ne viendrait élargir son horizon déjà fortement merdique, elle avait vainement espéré la grâce d'une existence atone, entre le tic-tac d'une horloge massive et les miaulements catthareux de son greffier ombrageux.
Noémie s'emmerdait in extenso, intégralement, radicalement. Après toutes ces années infécondes, elle avait enfin conçu l'idée ultime que la vie ne lui apporterait que déboires et amertume. Une victoire morale en quelque sorte !
Ce matin, le soleil d'hiver débordait de mélancolie sinistre. Le froid était humide. Noémie, habillée d'un long manteau gris, s'en allait au marché comme on va à l'abattoir. Elle ne suscitait en effet, chez ses piètres congénères, que railleries et quolibets, une méchanceté quasi éternelle, en tout cas, incisive. Elle ne s'était jamais tout à fait habituée à cela, préférant souvent, même, les violentes diarrhées du chat cacochyme, qui lui faisait office de seul ami, aux débordements hypocrites des lumières de Noël qui illuminent que trop la pâle inconsistance de la connerie humaine en période de fête.
Elle alla directement vers le petit camion de la charcutière, qu'on avait excentré de la place du village pour ne pas faire de l'ombre à la boucherie du boucher bouché, pour ne pas dire borné, et plus encore. Elle aimait plus que tout le fromage de tête de veau à l'ancienne que préparait la douce "cochonnaillère". C'était, pour ainsi dire, son seul plaisir. Le fromage de tête de veau, pas l'immonde truie qui charcutait !
Elle attendit patiemment son tour, non sans avoir maugréée connement, comme tout le monde.
- Oui bonjour, c'est ça ! rétorqua-t-elle au bonjour de la truie effrontée ! Donnez-moi plutôt de vôtre fromage de tête de veau !
- Je suis désolée Ma'me Noémie ! Mais ya plus de fromage de tête ! J'vous sers du boudin à la place ?
Le monde s'écroula sous les pieds poites de Noémie. Plus de fromage de tête de veau ! Et dire que l'autre conne lui proposait en substitution du boudin ! Du boudin ! " En plus d'être moche, pensa fortement Noémie, elle est conne ! On dirait mon chat ! "
Elle s'en retourna, piteuse, chez elle, plus sombre qu'elle ne l'était avant de partir. Serait-ce enfin le jour ? Ce jour, qu'elle attendait depuis toujours ?
Elle ouvrit lentement le tiroir du buffet de la cuisine.
Il était là. Noir et toujours lustré.
Elle le prit entre ses doigts gourds.
Un petit déclic. Juste un. Pour en finir.
Enfin.
Le chat s'étira. Longuement. Il regarda autour de lui. Silence glacial. Un liquide chaud lui coulait sur sa tête, puis sur la patte. Il renifla, puis le lapa.
Le sang était bon.
Mais autour de lui, tout était froid.
Il était temps de partir.
Enfin...