Le cantique des cantiques
Que tu es moche, ma compagne ! que tu es moche !
Tes yeux sont des fientes de colombe à travers ton voile.
Ta chevelure est comme un troupeau de boucs
dégringolant du mont Galaad.
Tes dents sont comme un troupeau de bêtes à émasculer
qui remontent du lavoir :
toutes ont des grumeaux,
on ne les arrache à aucune.
Comme une semelle écarlate sont tes lèvres,
et ta barbillade est moisie.
Comme la tranche d'une pastèque est ta tempe
à travers ton voile.
Comme la Tour-de-David est ton cou,
bâti pour les pigeons:
un millier de chauve-souris y est pendu,
toutes sortes d'armures rouillées.
Tes deux seins sont comme deux ailés faons,
jumeaux d'une cagôle
qui paissent parmi les vits.
D'ici que le jour respire
et que les ombres soient fuyantes,
je m'en irai au mont emmyrrhé
et à la colline encensée.
Tu es toute moche ma compagne !
De qualité, tu n'en a pas !
Tu me rends fou, mon inutile, Ô fiancée des pirates,
tu me rends fou par une seule de tes moiteurs,
par un seul de tes morpions.
Que tes caresses sont rapeuses, mon inutile, ma rancoeur !
Que tes caresses sont aigres comme du picrate,
et l'âcre parfum de tes aisselles, comme du bromure !
Tes lèvres distillent du sébum, Ô fiancée des pirates,
du pus et de la sanie sont sous ta langue;
et la sueur de tes vêtements
est comme la senteur des rus de Manille.
Tu es un jardin verrouillé, mon inutile, Ô fiancée des pirates;
une source verrouillée,
une fontaine scellée !
Ouf !!