L'almanachronique du 12 juillet

Publié le par blancafort

Hello les blogos ! Zing Bling Râârhggg la blogose !

La lumière...en un seul tube au plafond. La lumière blême, pâle. La lumière d'un néon.
D'habitude, et selon les règles funèbres propres à ces éclairages fluorescents dont la répulsion immédiate vous saute à la gorge, le néon, comme le dit Boulanger, gâte les traits les plus fins. Ici, en cette "Luciole" isolée et solitaire, celui-ci, visiblement vissé et pendu au plafond depuis la nuit des temps, ne reflète plus rien d'autre qu'une lueur pâlichonne, un clair-obscur moribond qui fait l'oeil vitreux et le teint terreux. La tapisserie, qu'on s'imagine orange, exhale une vieille odeur de nicotine grasse. Cinq tables entourent un poêle à bois dont le tuyau, fendu tout du long et s'encastrant dans un des murs du café, n'engage rien de bon quant aux rudes hivers qui doivent se complaire en ces contrées hostiles. Je me dirige vers le comptoir. Une seule place. Les présentoirs prennent tout le reste du zinc. Il y a là des cartes postales jaunies vantant la santé bovine et l'architecture laconique des chapelles branlantes environnantes, des piles Wonder qui ont depuis longtemps perdu la face, des cartes de pêche, quelques fanions fanés et un jéroboam qui fait office, dans toute son originalité poisseuse, de lampe de chevet. Personne. J'attends.
La porte, au bout d'un laps de temps infini, s'ouvre, et je ne sais plus quoi dire. Un vieux, que j'imagine centenaire, période Gaston Doumergue, se tient devant moi. Une casquette vissée sur la tête, un mégot collé à la lèvre supérieure, habillé selon la tradition ancestrale de la myopathie du bon goût. Vieux pull mité tombant à mi-cuisse sur un pantalon de velours marron. Son visage est grave, aussi accueillant qu'un chiotte turc, son regard me reprochant d'avoir tintinnabulé la clochette amorphe de la porte d'entrée. Il appartient sans doute à cette catégorie d'hommes que l'on dérange toujours, quelle que soit l'heure.
- Bonjour ! Enfin, je veux dire bonsoir !
Très peu impressionné par cette marque de sympathie bonhomme que j'affectionne tant, le cafetier ne moufte pas, préférant semble-t-il un bon coup de menton délicat à une répartie inutile.
- Vous avez de la bière pression ?
Un grognement, à peine perceptible. Enfin un son ! Une réaction. Poursuivant sa cordialité symptomatique, le viellard se penche sans craquer, et toujours sans un mot, derrière le comptoir. Il en sort une vieille Kro et la débouche d'un tour de main hargneux. Puis, d'un geste, aussi hardi qu'un mouvement de queue de vache laitière, il prend un long verre Oasis et l'essuie à l'aide d'un chiffon maculé d'une sauce de civet. Du moins je me l'imagine. Et plus encore, je le souhaite. Il est temps de remballer son imagination fertile.
Je tente un "merci" chaleureux, surmonté d'un sourire poussif.
La bière est chaude. Le silence pesant.
Je me roule une cigarette en vue de contrer l'odeur froide de la nicotine ambiante. Un comble.
Il fait nuit. Il est temps de rentrer.
Après m'être dérobé de la Luciole, la bien nommée lumineuse larve, pédalant comme un dératé sous les cris stridents d'animaux inconnus, je me demande, et toujours à l'instant même où je vous écris, quel est le son de la voix du cacochyme putride que je viens de quitter allègrement. Mystère.
Le creusois est impénétrable.
Mon optimisme un peu moins.
A suivre...

Publié dans Chroniques

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